La belle histoire de l’Aqueduc Saint-Clément ou comment Montpellier a eu son robinet géant



Il est majestueux, plutôt bien conservé, il approche les 300 ans. Il, c’est l’aqueduc qui traverse Montferrier-sur-Lez, provient de Saint-Clément-de-Rivière et file jusqu’à Montpellier où il se greffe à hauteur de la promenade du Peyrou. Mais le connaissez-vous vraiment ce long pont de pierre de 14 kilomètres de long (17 km avec sa greffe aux sources du Lez), communément appelé l’aqueduc Saint-Clément ?
Les premières traces de son histoire remonte au XIIIème siècle. Là, en plein Moyen-âge, Montpellier souffre d’un problème d’alimentation en eau potable. A partir de 1456, Charles VII incite la ville de Montpellier à lever une taxe sur la réalisation future d’un ouvrage d’art en deux tronçons (un à Montferrier, l’autre dans Montpellier) destiné à acheminer l’eau de la source Saint Clément vers Montpellier. Le projet n’aboutit pas.
Pour compenser le manque d’eau potable, les consuls qui dirigent la cité font construire, au XVème siècle, deux fontaines publiques : la Font Putanelle, au bord du Verdanson, et la fontaine de la porte du Pila Saint-Gély. Au cours du XVIème, Montpellier compte également 35 puits de quartiers.
Le « coup de main » du Marquis de Montferrier
A la fin du XVIIe siècle, Montpellier possède sept fontaines publiques, situées à ses portes et faubourgs, mais elles ne suffisent plus à satisfaire les besoins d’une population toujours croissante.
En 1676, l’idée de l’ouvrage hydraulique resurgit : faire venir l’eau des sources de Saint-Clément et du Boulidou à Montpellier. Dix ans plus tard, le 21 février 1686, la décision est prise. Des experts sont envoyés pour examiner la qualité de l’eau des sources. Ils rapportent que les eaux y « sont très claires, très pures, sans aucun goût étrange et très légères sans aucun mélange de plâtre ni d’aucun autre minéral ».
Contrairement à l’eau des puits domestiques, critiquée par les médecins pour sa qualité incertaine, celle-ci est jugée « très bonne pour la nourriture et pour la conservation des soins et des malades ».
Mais le projet est énorme et coûteux. Faute de financement suffisant, la construction de l’aqueduc va, encore, nécessiter près d’un siècle de réflexion.
En 1751, le Conseil de ville confie la direction des travaux de l’aqueduc à l’ingénieur-hydraulicien Henri Pitot (1695-1771). Pour montrer sa bonne volonté de nourrir Montpellier en eau (et donner un coup de main à son neveu Jean-Antoine de Cambacérès, alors maire de Montpellier…) le marquis de Montferrier, syndic général de Languedoc, contribue au lancement du projet. Il accepte la dérivation des eaux et ouvre les vannes de ce robinet géant.
Pitot, lui, s’inspire de l’architecture du pont du Gard pour réaliser la structure des ponts-aqueducs. Douze ans de travaux sont nécessaires pour réaliser les 14 kilomètres de canalisation. La première pierre est posée le 13 juin 1753.
Le 7 décembre 1765, l’aqueduc est inauguré : une eau saine et claire arrive au Peyrou, le point culminant de Montpellier. L’aqueduc se compose de 53 grands arceaux de 8 mètres d’ouverture et de 183 petites arches de 2,78 mètres. La hauteur de l’édifice avoisine les 28 mètres. A hauteur des Arceaux, l’aqueduc est constitué d’une double rangée d’arcades inspirée de l’architecture romaine qui traverse le vallon du Peyrou sur plus de 820 mètres. Initialement, le débit constaté à l’arrivée de l’eau sur la promenade du Peyrou atteint de 25 litres par seconde.
Un monument historique depuis 1994
« Pour reconnaître le service rendu à la ville par le marquis de Montferrier, la municipalité de Montpellier décide, par une délibération prise à l’unanimité le 8 août 1775, que l’hôtel de Montferrier situé rue de l’Aiguillerie, serait fourni d’eau potable gratuitement à perpétuité. Ce privilège ne fut pas supprimé à la Révolution… », peut-on lire dans Montferrier (900-1793), guide historique et pittoresque de C.-A. Belmont-Joris, ancien consul de France.
Véritable prouesse technique et esthétique, le pont-aqueduc situé sur les communes de Montferrier-sur-Lez et Saint-Clément-de-Rivière est inscrit aux monuments historiques depuis le 19 août 1994.
À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, l’aqueduc Saint-Clément n’est plus en mesure d’assurer sa fonction première. Les progrès en ingénierie hydraulique rendent possible la mise en place de réseaux souterrains plus modernes et efficaces. Dans les années 1860, un prolongement vers les sources du Lez est réalisé, avant l’arrivée dans les années 1930 d’une nouvelle conduite entièrement souterraine, appelée « la Mille », qui double l’aqueduc depuis la source du Lez jusqu’à Montpellier. L’aqueduc Saint-Clément a cessé d’être exploité en 1983.